Abu Omar al-Baghdadi et l’État islamique irakien
La Coalition anglo-saxonne continuant à s’embourber en Irak, il s’avéra nécessaire de trouver un successeur à Al-Zarkaoui.
Le 15 octobre 2006, de nombreuses chaînes de télévision diffusent donc une vidéo annonçant la création d’« Al Qaïda en Irak ». Sur cet enregistrement, un individu masqué se présente comme Abu Omar al-Quraischi al-Hussaini al-Baghdadi, « Commandeur des Croyants » et dirigeant de l’« État Islamique Irakien », récemment instauré par Al-Qaïda avec la bénédiction d’Ousama Ben Laden lui-même. Il appele tous les jihadistes à s’unir derrière lui pour faire la chasse aux impies, aux croisés et aux juifs [11].
Cette initiative coïncide avec la réorganisation administrative de l’Irak et sa fédéralisation imposée par l’occupant. L’« État Islamique Irakien » s’identifie avec la zone à dominante sunnite. Il est tout de suite dénoncé sur Al-Jazeera par le porte-parole de l’association des savants musulmans de Bagdad comme faisant le jeu de la division du pays par les GI’s [12]. Peu importe que les Irakiens ne soient pas dupes, la nouvelle marionnette est destinée à manipuler l’opinion publique états-unienne.
Le 10 novembre 2006, la presse occidentale relayait un communiqué d’« Al Qaïda en Irak » assurant avoir réuni plus de 12 000 hommes et se préparer à en armer 10 000 de plus [13].
Cette nouvelle coïncidait avec le limogeage de Donald Rumsfeld et réduisait l’ardeur des démocrates à réclamer un retrait d’Irak.
Dans les jours qui suivirent, Abu Omar al-Baghdadi, intervenant dans un enregistrement audio diffusé via internet, proposa une « trêve » (sic) aux États-Unis. Ceux-ci ne seraient plus attaqués s’ils organisaient leurs manoeuvres de retrait complet d’Irak [14]. Cette rodomontade fut accompagnée d’un défilé de moujahidins armés dans le centre de Mossoul, le 29 décembre, dont les images firent le tour du monde arabe.
Cependant, la chaîne Al-Jazeera s’interrogeait sur l’authenticité de ces événements et ne parvenait pas à obtenir du gouverneur de Mossoul une explication crédible d’un défile « d’insurgés » en plein cœur de la ville [15].
Le 17 avril 2007, Abu Omar al-Baghdadi annonce dans un enregistrement audio diffusé par internet, que l’« État Islamique Irakien » produit ses propres roquettes, les Al-Quods-1 [16]. Le 30 mai 2007, dans une vidéo fort impressionnante diffusée par Al-Jazeera, son groupe annonce la création de brigades spéciales dotées cette fois de bombes thermiques [17] ; des armes qui seraient produites par l’« État Islamique Irakien », dont la technlogie rivaliserait désormais avec celle des petits États.
Dans la même période, le porte-parole de l’« État Islamique Irakien » annonce sur Al-Jazeera que l’émir Abu Omar al-Baghdadi vient de composer son gouvernement et détaille la liste des dix ministres qui le composent [18].
Dans la foulée, le nouveau « gouvernement islamiste irakien » déclare la guerre à l’Iran, appellant les « vrais croyants » (sunnites) à s’unir contre les impies chiites. À cette occasion le « commandeur » Abu Omar ajoute d’ailleurs « al-Quraishi » à son nom, afin de faire croire à une filiation avec la lignée des Quraishi, la famille du prophète Mahommet, pedigree cher aux yeux de la communauté sunnite.
En un an, « Al Qaïda en Irak » a revendiqué de nombreuses exécutions sommaires. Elles constituent pour la presse occidentale autant de preuves du péril islamique et pour les Irakiens autant de manifestations des escadrons de la mort de la « sale guerre » conduite par l’occupant.
Le 17 juillet 2007, la Maison-Blanche rend publique une courte note d’évaluation de La menace terroriste sur le territoire des États-Unis (voir document intégral joint), réalisée par la direction de supervision de l’ensemble de la Communauté états-unienne du renseignement. On peut y lire : « We assess that al-Qa’ida will continue to enhance its capabilities to attack the Homeland through greater cooperation with regional terrorist groups. Of note, we assess that al-Qa’ida will probably seek to leverage the contacts and capabilities of al-Qa’ida in Iraq (AQI), its most visible and capable affiliate and the only one known to have expressed a desire to attack the Homeland. In addition, we assess that its association with AQI helps al-Qa’ida to energize the broader Sunni extremist community, raise resources, and to recruit and indoctrinate operatives, including for Homeland attacks. »
La dramatisation de ces renseignements et de ces conclusions est renforcée par la publication simultannée d’une vidéo d’Oussama Ben Laden, absent des écrans depuis plus d’un an.
C’est pourquoi George W. Bush signe immédiatement le décret présidentiel 13438 autorisant le secrétaire au Trésor à arrêter discrétionnairement toute personne présentant une menace pour la stabilisation de l’Irak et à confisquer ses biens.
Cependant, il devient de plus en plus difficile d’expliquer que la puissance d’Al-Qaïda en Irak augmente au fur et à mesure que Washington accroit le nombre de GI’s et de mercenaires pour le combattre. Aussi, le lendemain, le général Kevin J. Bergner, assistant spécial du président Bush pour les questions irakiennes, révèle que l’interrogatoire de Mahmud al-Mashhadani, considéré comme l’agent de liaison entre Oussama Ben Laden et ses combattants en Irak, a permi d’établir qu’Abu Omar al-Baghdadi n’a jamais existé, son personnage étant joué par un acteur et l’organisation « Al-Qaïda en Irak » étant une pure mystification [19].
Le château de cartes s’effondre
J’avais déjà fait remarquer qu’Oussama Ben Laden a confirmé sa responsabilité dans les attentats du 11 septembre 2001 dans une vidéo où il les décrit selon la version gouvernementale, alors même que j’ai démontré que l’attentat du Pentagone n’a pas eu lieu de cette manière et que Scholars for 911 Truth a démontré que l’attentat du World Trade Center n’a pas non plus eu lieu de cette manière. En d’autres termes, j’avais fait remarquer que la fonction d’Oussama Ben Laden, c’est de créditer les intoxs de l’administration Bush.
Le processus d’information circulaire continue : l’administration Bush affirme qu’Al-Qaïda est responsable des attentats aux USA et en Irak, puis Al-Qaïda confirme les imputations de l’administration. Les faits décrits dans ces déclarations ne sont jamais vérifiés, on se contente de ce dialogue et d’événements virtuels.
Dans le cas de l’Irak, personne ne semble remarquer que si Abou Moussab al-Zarkaoui et Abou Omar al-Baghdadi sont des personnages mis en scène par le département des opérations psychologiques de l’armée de terre états-unienne, cela implique que les personnes qui ont témoigné de leur existence et de leur affiliation à Al-Qaïda participent du même système d’intoxication.
Or, l’existence et les fonctions de Zarkaoui ont été confirmées par une vidéo d’Oussama Ben Laden, diffusée le 27 décembre 2004, dans laquelle le chef d’Al-Qaïda le déclare « émir d’Al Qaïda en Irak ». Elles ont identiquement été confirmées par Ayman Al-Zawahiri, n°2 du réseau terroriste, dans une vidéo où il lui rend hommage, le 23 juin 2006.
De même, l’existence et les fonctions d’Abou Omar al-Baghadadi ont été confirmées, le 20 décembre 2006, par Ayman Al-Zawahiri, dans une vidéo diffusée par Al-Jazeera. Il l’y félicite pour avoir constitué l’« État Islamique Irakien » [20].
Le moment est venu de vous déterminer : croyez-vous George Bush lorsqu’il stigmatise Al-Qaïda en Irak ou croyez-vous ses généraux qui revendiquent avoir fabriqué cette organisation et inventé ses leaders ?
Thierry Meyssan
Journaliste et écrivain, président du Réseau Voltaire.
Source : voltairenet.org
Notes :[1] « Quand l’état-major américain planifiait des attentats terroristes contre sa population », par Thierry Meyssan,
Réseau Voltaire, 5 novembre 2001.
[2] Outre de nombreux articles et conférences, voir
L’Effroyable imposture et
Le Pentagate, Carnot éd., 2002 ; réédition Demi-lune, 2007.
[3] « Le dossier des mercenaires du Fatah al-Islam est clos », par Thierry Meyssan,
Réseau Voltaire, 23 juin 2007.
[4] Cf.
L’Effroyable imposture op. cit.
[5] « Discours de M. Powell au Conseil de sécurité de l’ONU » (6e partie),
Réseau Voltaire, 11 février 2003.
[6] « Abou Moussab al-Zarkaoui, super-héros du Mal », par Vladimir Alexe,
Réseau Voltaire, 19 juillet 2005.
[7] « L’affaire Nicholas Berg », par Thierry Meyssan,
Réseau Voltaire, 18 mai 2004.
[8] « U.S. Says Files Seek Qaeda Aid In Iraq Conflict » par Dexter Filkins »,
The New York Times, 9 février 2004.
[9]« Mort d’Al-Zarkaoui : l’ironie a voulu qu’elle coïncide avec la
formation du gouvernement irakien (Rumsfeld) », Ria-Novosti, 9 juin
2006.
[10] « Military Plays Up Role of Zarqawi », par Thomas E. Ricks,
Washington Post, 10 avril 2006 ; et « Washington Post : L’Armée de terre US reconnaît officiellement que Zarkaoui est une opération de propagande psychologique », par Grégoire Seither,
Réseau Voltaire, 12 juin 2006.
[11] « Rebel grouping announces establishment of "Islamic State of Iraq" », BBC Monotoring, 15 octobre 2006.
[12] « Iraqi Muslim scholars rejects Islamic State announcement », BBC Monotoring, 15 octobre 2006.
[13] « Al-Qaeda in Iraq has 12,000 fighters : chief », AFP, 10 novembre 2006.
[14] « Iraqi militant group posts Web offer of truce for U.S. to leave the country », Associated Press, 23 décembre 2006.
[15] « Al-Jazeera TV shows "Islamic State of Iraq" gunmen parading in Mosul », BBC Monitoring, 6 janvier 2007.
[16] « Purported Islamic State Of Iraq Head : Grp Making Own Rockets »,
Dow Jones, 17 avril 2007.
[17] « Islamic State of Iraq says new brigade formed to attack with thermal bombs », BBC Monitoring, 30 mai 2007.
[18] « "Islamic State of Iraq" announces establishment of 10-minister cabinet », BBC Monitoring, 20 avril 2007.
[19]« Le chef irakien d’Al Qaïda en Irak, un personnage de fiction ? »,
Reuters, 18 juillet 2007. « U.S. Says Insurgent Leader It Couldn’t Find
Never Was » par Michael R. Gordon,
The New York Times, 19 juillet 2007.
[20] « Al-Jazeera says Zawahiri urges support of "Islamic state of Iraq" », BBC Monitoring, 20 décembre 2006.